mardi 18 octobre 2011

Romero’s Fall of the Dead.

Je sortais du métro Joliette situé par un drôle de hasard tout près de la rue Joliette. Une vieille femme tremblotante avec une canne à la main quémandait paniquée un peu d’argent près des portes de sortie ou d’entrée, selon qu’on sortait ou…  Je lui refilai deux dollars et elle me regarda au bord des larmes en chuchotant « Oh! mon dieu! Oh! mon dieu! », honteuse.

Dehors, de grands arbres braillaient des feuilles jaunes et rouges comme des moumounes pleurnichardes; la petite pluie qui tombait était froide comme une vendeuse de bijoux quand ça parait qu’on est cassé comme un clou; deux flics blancs dans une voiture de flics blancs posaient des questions à deux jeunes noirs avec des tuques sur la tête.

Le monde entier était en effervescence « Occupy » comme une bonne toune de Rage against the machine. Occupy, Testify… Pis une grosse basse. Quelque chose qui rentre. Au Square Victoria, ils s’étaient installés quelques centaines, disait-on. Fallait trouver un spot capitaliste. Amir allait faire des façons aux festivaliers de la conscience sociale, moi, je serais allé planter mes piquets de tente au Journal de Montréal. « Occupy Stupidity. »

Bref, je rêvassais en descendant la rue Joliette, aussi tranquille en automne que l’esprit de PKP pendant un lock-out de deux ans. Je croisai une ruelle sur laquelle je m’engageai, plus calme encore, avec des graffitis qui nous apprenaient que Jessica L. est une crisse de pute. De petites fleurs mauves poussaient parmi des branches mortes. Les extrémités des arbres se rejoignaient encore malgré que le sol odorant et coloré était jonché de la quasi-totalité de leurs feuilles mortes. La pluie continuait à tomber froidement.

Un type dans sa cour arrière qui avait du prendre une méchante brosse la veille me regarda un instant et je n’en fis pas de cas. Jusqu’au moment où, sortant de mon champ de vision, le bonhomme me sauta dessus et me mordit le cou! En fait, en sentant qu’on m’attaquait, je bougeai promptement –disons- et il ne me prit qu’une petite croque d’épaule. Je lâchai un méchant whack et m’enfuis en repoussant ce malade mental qui ne me poursuivit même pas.

Vous dire le mal de chien. Ca saignait sur mon bras et je pressai ma main très fort sur mon manteau de cuir qui recouvrait la plaie.  J’accélérai le pas jusqu’à Ontario et, comme je ne voulais pas passer pour un fou, je cachai ma morsure et marchai d’un pas qui se voulait naturel sur le trottoir de la rue marchande. « Où est-ce qu’on s’en va, tabarnac ? On est rendu à se mordre comme des chiens! », que je me disais alors que les passants me regardaient d’un air bizarre en se détournant de moi. « Occupy », mon cul, votre solidarité de merde, hen!, quand il y a quelqu’un qui se blesse, vous dégagez, bande de sales.

J’arrivai enfin chez moi. Je courus à la salle de bain et enlevai mon chandail, « toujours aussi sexy », me dis-je en regardant mon torse dans le miroir. Je pris une débarbouillette et du savon et lavai ma plaie. C’était pas si tant pire. Comme une vilaine coupure. Polysporin et un gros diachylon, on n’y verrait plus rien. Je le montrerai à ma blonde quand elle reviendra de la clinique.

Je m’étendis sur le divan et allumai la télévision à Zeste pour regarder le très cool Anthony Bourdain. Je ne me sentais pas très bien. Je grelottais. J’avais chaud. Je gelais. Je suais. Et mon épaule m’élançait. Et ma tête voulait éclater. Et j’avais mal au cœur. J’allais dégueuler, c’est sûr. A cause d’un vieux fou. Putain, la désinstitutionalisation. Beau travail, bande de bureaucrates. « Occupy Louis-H. » Chopin vint se coucher sur moi et je caressai mon chat obèse.

Nous voilà arrivés au moment tragique où je raconte ma mort. J’ai même pas dit au revoir à ceux que j’aime. Mes innombrables, mes merveilleux. J’étais seul dans le salon avec un chat me ronronnant dessus, les enfants n’étaient même pas revenus de l’école. Au moins, je caressais le gros. Je me sentis partir, flotter dans les airs par-dessus moi-même. Assez cool! Comme l’idée qu’on se fait d’un voyage astral. Mon corps avait cessé de bouger. Je me dis que je n’avais rien décongelé pour le souper et que ça chialerait tantôt.

Chopin, voyant que les caresses étaient terminées, s’en alla manger, comme d’habitude, ce gros porc. Ma peau devint toute pâle et je compris du haut des airs que j’étais mort. Eh! Merde. Je me sentais coupable de faire de la peine à mes amours mais j’avais tout de même pas fait exprès.

Et là, paf!, vous ne me croirez peut-être pas, mais mon corps se releva et il se mit à sortir des grommellements gutturaux que je n’avais jamais faits ou peut-être une fois avec une fille particulièrement vicieuse quand j’avais 17 ans. Mes yeux étaient vides et sans éclat comme ceux de Mario Dumont et mes mouvements saccadés me donnaient des airs de marionnette. Je compris en me voyant que j’étais devenu un zombie. Ta-tam.

Mon corps sans grâce se traîna vers la porte d’entrée et mon idiot de chat me suivit pour quémander une autre caresse. Je me vis me pencher sur lui et lui croquer la tête. Dégueulasse. Ah! Non! Pas Chopin, pas Chopin, s’il-vous-plaît. Et mon chat mourut. Je m’attendais à le voir apparaître comme une forme nébuleuse auprès de moi dans les airs mais non, ce crétin ne fit que pisser le sang et crever.

Ma fille, revenant de l’école, ouvrit la porte de la maison et je lui criai « Va t’en! Va t’en! » mais ma forme vaporeuse n’avait pas de voix, ce qui restreint la force des cris, faut-il le reconnaître. Alors, je pensai très fort « papa est un zombie, chérie. Fous le camp. » mais la télépathie ne fonctionnait pas plus.

Serais-je le témoin de la mort atroce de ma fille par mes propres mains ? La suite demain.        




1 commentaire:

  1. t il se mit à sortir des grommellements gutturaux que je n’avais jamais faits ou peut-être une fois avec une fille particulièrement vicieuse quand j’avais 17 ans.


    TRÈS FORT BREAD!!!

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