samedi 8 octobre 2011

La vieille fille laide

Elle était étendue sur le lit à regarder la télévision quand je vins la rejoindre. Elle me fixa, surprise de me voir là alors que, tant de fois, elle m’avait invité et que, tant de fois, j’avais refusé.

-Éteins la télé, s’il-te-plait, lui-dis-je.

Elle me regarda malaisée et j’allai m’étendre près d’elle. Dieu qu’elle était laide.

Je passai mes longs doigts sur ses côtes décharnées jusqu’à ses hanches trop larges et caressai son cul disproportionné. Elle m’observait en silence de son regard terne et sans intelligence. Elle n’était pas stupide, seulement l’intelligence s’était retirée, honteuse, de ses yeux et se cachait à l’intérieur. Son nez trop retroussé et trop large lui donnait une allure porcine et sa bouche peinait honteuse à se retrouver sur ce visage triste. Tant de laideur aurait pu finir par être harmonieuse mais non, tout était inapproprié.

Je posai mes lèvres sur son front bombé et embrassai tendrement ses cheveux sales, suçai le lobe de ses oreilles difformes et léchai son cou avec faim. J’étais le découvreur d’une terre inexplorée d’un monde dévasté. Elle soupira. Et ce fut son premier soupir. Je suivis de mes doigts la ligne de sa colonne vertébrale voûtée par la honte. Elle frissonna et ce fut son premier frisson.

-Attends voir comme c’est bien, lui murmurai-je doucement. 

Je l’inondai de caresses et de baisers, pansant une vie de tristesse et d’ennui d’un plaisir fugitif et éphémère. Bien trop peu. Bien trop tard.

Sa vie, plus moche encore qu’elle, s’était passée dans l’ombre. Là où on ne pouvait pas la voir. Lasse des regards dégoûtés ou méprisants, elle s’était faite ennuyante parce que le désintérêt des autres était tellement mieux.

Elle ne disait rien, sa voix ne voulant troubler un moment qu’elle n’espérait plus, qu’elle n’avait jamais espéré. Elle avait avorté son désir, son espoir, le bonheur. Ne les avait jamais laissés naître en elle, voués à une vie de merde.

Sa poitrine se gonfla quand mes caresses devinrent plus pressantes, plus audacieuses. Elle laissa échapper un râle comme un hoquet.

Et je pénétrai la terre vierge, sauvage, abandonnée. Elle se cambra et se donna à moi comme une femme, pour la première fois, une femme. J’essuyai de ma bouche ses larmes de reconnaissance. Alors que je la sentais plus brûlante, plus chaude, fiévreuse, je l’allumai davantage.

Le regret ne vint pas assombrir nos ébats et elle se contenta du présent sans ressasser ses souvenirs douloureux. Là, maintenant, elle vivait. Je sentis monter en moi l’orgasme comme un obstacle à l’éternité du plaisir. Rien n’est éternel. Je sentis monter en elle l’orgasme comme… Comme rien, elle ne savait pas, ses yeux s’ouvrirent grand. « Qu’est-ce que… » Et puis une espèce de grognement de vengeance assouvie. Elle pouvait éprouver, elle éprouvait… Oh mon dieu, la tension! Et son second soupir long et fort meubla l’univers une seconde.

Je me glissai hors du lit, lui caressai les cheveux et l’amenai avec moi loin de cette merde nauséabonde.


***
Ils retrouvèrent la vieille fille laide quelques semaines plus tard. Le corps boursouflé. Plus laide encore morte que vivante. Étrangement, elle souriait.    

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