jeudi 22 septembre 2011

Sacré septembre!

Il me reste combien de matins à pouvoir m’asseoir dehors pour écrire, clopes et cafés, les chats avachis à côté ? L’automne s’avance vers nous, déjà les lierres sont fanés chez le voisin de derrière. Il y a un mois encore, ils étaient beaux, étendus sur les fils électriques comme des vêtements sur une corde à linge.

L’automne. Cette saison mélancolique quand la nature se fait belle pour mourir quelques mois. Avant l’hiver.

Je m’ennuie. Pas que la solitude me pèse, non. J’aime bien la solitude. Et puis avec ma blonde et mes enfants, la solitude est rare. Je m’ennuie d’appartenir à une équipe, de partager un but commun, de me battre.

Je m’ennuie des dizaines de personnages qui remplissaient mes jours et mes soirs. Oh! Vous auriez du les voir! Les esclandres, les rires, les indignations, les espoirs! Comme je les ai aimés.

Jamais un jour, je ne suis parti travailler à reculons. Évidemment, il m’arrivait d’aller à telle ou telle réunion en bougonnant, évidemment, il m’est arrivé d’écrire et de défendre des trucs que je trouvais poches. Mais j’ai tellement aimé ce boulot. Et il me l’a bien rendu.

Le ciel est gris, il va pleuvoir tantôt.

Dans le bureau d’un député qui me disait vous un jour et tu un autre, on était assis à une table de travail à parler d’assurance-emploi. Quelques fois, il se mettait à monologuer, plus arrêtable, alors qu’il fallait faire vite. J’étais pressé, moi. Un homme occupé, moi. Un bon monsieur à la barbe blanche. Je l’interrompais d’une blague ou d’une réflexion profonde et intelligente, pour couper court, et sortais en vitesse. Je ne me rappelle plus très bien pourquoi je devais partir, un comité peut-être, une note à produire ? On s’en fout. Un bon monsieur. Il me manque.

Un téléphone. Encore un téléphone. Ce putain de téléphone qui sonne tout le temps. Au bout du fil, une dame merveilleuse qui n’appelait que pour me remercier, me dire une fois de plus sa gratitude. « Ben voyons donc, c’est pas nécessaire. C’est vous qui faites le plus gros du travail. » Elle me manque.

On est douze à la table. On parle de tournées, d’enjeux de la rentrée, de plate-forme, de fiches à produire. Toutes des affaires plates. On se moque de l’un, on s’obstine, on propose quelque chose qu’un autre tout de suite rejette sans la moindre délicatesse. C’était mon équipe.

La loyauté est un sentiment agréable à éprouver.

On est tous partis en même temps. On n’a pas eu de party de départ. Des adieux autour de la machine à déchiqueter, près des bacs à récupération. Quand quelqu’un, un adjoint de député ou un membre du cabinet, quittait, on avait droit à un joli mot de départ.

« Je quitte pour relever de nouveaux défis et j’ai passé du bon temps parmi vous… »

Je n’ai pas écrit de mot de départ. Tous ceux qui sont partis le 2 mai, bref, tout le monde ou presque, n’ont pas écrit de mot de départ.

L’automne arrive. C’est la rentrée parlementaire. Déjà Harper a déposé son bill omnibus sur la loi et l’ordre. Non mais quel freak, celui-là. Pour la première fois depuis 2004, je ne suis pas la politique fédérale, ou si peu et de loin. Je ne suis plus un acteur.

Il y a des scènes dans Othello de Shakespeare où on rigole comme des fous. J’ai toujours pensé qu’elles étaient écrites pour permettre aux spectateurs de supporter le tragique. Comme du lest.

Le plus gros défi que j’ai eu à relever aura été d’accepter que c’était fini. Je n’ai pas dit au revoir à m’sieu Beaulieu, notre garde de sécurité septuagénaire, qui s’endormait à son poste et ça nous foutait la trouille qu’il soit mort. Presque sept ans à dire à tous les matins « Eh m’sieu Beaulieu! » mais je ne l’ai pas vu la dernière journée.

Tout ça donc pour dire à toutes ces personnes avec qui j’ai eu la chance de travailler : J’ai été honoré.

Le vent se lève tranquillement, il ne pleuvra pas tout de suite finalement.

Bon, allez, il faut que je travaille. J’ai un synopsis à écrire, moi. Synopsis, quel mot plate!

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