dimanche 3 juin 2012

Pôvres libéraux.

Clope, café, chat qui traîne à côté, soleil qui éclaire la ruelle mais qui me laisse la zone d’ombre sur le petit balcon, de la marde, j’écris.

Je vous ai-tu déjà dit que j’haïs les conservateurs ? Dix fois ? vingt fois ? M’en câlisse, les hais plus que jamais, ces salauds. Mais je leur reconnais une chose à ces osties-là, ils ont une vision de leur pays. Que leur vision au plus riche, la poche, tant pis pour les petits pauvres me donne la nausée, que leur conservatisme burkéen pour reprendre l’expression de Harper est contraire à tout ce que je crois, on s’entend. Mais ils ont une vision claire, effroyable mais claire.

Les libéraux fédéraux, eux, ont déjà eu une idée du Canada, bilingual coast to côte. Un gouvernement central fort… Même chose pour le NPD, un gouvernement central qui met en place de beaux et généreux programmes sociaux, un Canada hip et cool.

Bref, les fédéralistes à Ottawa, je comprends et je peux voir où ils s’en vont. Je me disais ça, hier soir, évaché sur le divan en regardant les nouvelles.

La beauté attendrissante de la contestation pacifique, le sourire gai et un peu idiot d’enfants qui trouvent vachement chouette d’aller frapper avec maman et papa et plein de gentils monsieurs et madames des casseroles dans la rue. Et tous ces gens, ces milliers de gens, des vieux, des jeunes, des barbus, des rasés, des belles filles, des laideronnes, des ptits nerds, des types à belle gueule, tous ces gens qui marchent en plein milieu de la rue, c’est la fête.

Et c’est pour ça, parce que les fédés à Ottawa ont chacun leur projet, leur idée du Canada, parce que chez nous, tous les soirs, il y une solidarité émouvante, que j’en arrive à plaindre Charest pis sa gang. Sincèrement, je plains les libéraux québécois. Je les plains parce qu’il se passe quelque chose au Québec et qu’ils en sont complètement exclus.

Bien sûr, il y a les déconnectés, ceux qui réussissent comme par magie à éviter toutes les sources d’information, radio, télé, journal, médias électroniques, il y a des gens qui passent à travers les filets et qui vivent leur petite vie en passant à côté de la vie des autres, aveugles. Ignorants.

Mais les libéraux de Jean Charest, eux, ils s’abreuvent comme nous aux mêmes sources d’informations, ils voient ce qu’on voit. Et ils s’en excluent.

Ils pourraient s’en exclure pour une bonne raison, ils auraient, disons, un beau projet, une idée pour le Québec. Même pas, pas d’idée, juste du fric. Seuls avec des rêves de fric, ils se parlent entre eux. Ils n’ont pas accès à la rue, pas accès à la joyeuse indignation, pas accès à un rêve collectif.

Les indépendantistes rêvent d’un pays, les libéraux veulent administrer une province. Peut-être pour certains, bien administrer la province, soit. Mais on s’entend que c’est pas la jubilation. On se fait des cadeaux entre amis et quand tu quitteras le Conseil des ministres, j’ai une bonne job pour toi. J’ai des plans pour toi, mon chum. Le Plan Nord, c’est ça ton projet de société ? Vendre le territoire frette à des compagnies étrangères pour des pinottes. Pis à part ça, qu’est-ce que tu veux faire ? Qu’est-ce que tu fais en politique ? Tu recrutes comment ? Viens avec nous autres, on va vendre le nord, on va faire plaisir à plein de gentils riches et quand tu sortiras de là, tu vas te faire du cash en masse. Pis en plus, on va empêcher les séparatistes de prendre le pouvoir, ces osties-là qui veulent faire un pays.

Mais t’as même pas besoin d’être indépendantiste, c’est pas comme si les seuls qui avaient des convictions politiques, c’était nous autres. Il y en a un paquet qui se foutent du statut constitutionnel du Québec, ils voient le monde et veulent qu’il soit plus beau, plus fin, plus juste… « If you’re going to San Francisco, be sure to wear some flowers in your hair.”

Mais pas les libéraux, les libéraux de Charest pensent en termes de richesse collective et ce collectif, c’est surtout eux et leurs potes. Mais pas de rêves pour tous. C’est triste. Triste en crisse. Et je les plains.

Comptant son fric, sirotant un petit armagnac au bras d’une blonde de vingt-cinq ans aux grosses boules, dans sa limousine en direction d’une petite sauterie à Sagard ou vers un yacht sur le Lac Champlain, le notable libéral se demande bien quel peut être le sens de sa vie, il prend une petite gorgée qui lui réchauffe le palais et dit à Cathy, la monosyllabique : « Qu’est-ce que t’attends pour sucer, ma belle ?  Parce que là, tout de suite, avec tout ce qui se passe, j’ai comme un down, on est vachement à plaindre, tu sais. » Et Cathy, en souriant, s’exécute.  

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