jeudi 26 juillet 2012

Aventures désopilantes: Chapitre V

Chapitre V : Dans lequel nous découvrons la Mitis.



Quand, assis à mon balcon, j’observe la vie de la ruelle et la progression incessante de mes hibiscus, du petit plant de tomates que mon amoureuse cajole ou du laurier dont les feuilles se multiplient, je ne me lasse jamais de chaque détail qui anime ces matins légers. Je prends mon café, caresse mes chats, lis un bouquin ou le journal et je suis bien. Une putain de ruelle d’Hochelaga suffit à assurer mon bien-être. J’y invite mes amis : « Venez, on va s’asseoir sur le balcon. »

Imaginez un instant l’état dans lequel je me trouve, installé sur le perron face à la mer, le vent léger qui m’envoie du sel par la tête, mon espresso et ma clope et vous écrire à vous, lecteurs assidus et enthousiastes. Ca devrait être illégal.  

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La télé pogne un poste : TVA. C’est un truc pour qu’on reste dehors et qu’on profite de la vie.

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Les nuages s’étendent au loin sur la mer, ils se prennent pour une chaine de montagnes. Peuh! Bande de frais.

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Le Parc de la Rivière Mitis. Ma blonde, ma fille et moi. Le sentier s’enfonce dans la forêt et de petits écriteaux y sont parsemés. Sureau pubescent, impatiente du cap, épinette blanche. Juste des noms bâtards que personne ne comprend.

Nous marchons dans la forêt. On dirait la forêt laurentienne avec ses sapins baumiers et ses érables, ses thuyas, ses quenouilles. On se dirait en Mauricie mais la mer réussit à nous envoyer des effluves. Pas de cocotiers ou de palmiers, j’ai cherché, juste des arbres ben straight. La mer, ici, c’est ça.

On descend un long escalier fait de billots de bois. Long comme celui de l’Oratoire et on aboutit à une grosse roche sur le bord de la rivière. Tout ça pour ça ? Ta gueule, écoute les rapides. Écoute les rapides pis ferme ta gueule.

Et il faut remonter… Je devrais arrêter de fumer, putain. Tiens, une tour d’observation ? Allez, on monte!

A l’intérieur de l’accueil, un petit musée. Musée… Une exposition, disons, mais très éducative. L’écart entre la marée haute et la marée basse s’appelle le marnage. Dans le coin, c’est 4 mètres. 4 mètres de marnage. On en apprend-tu des affaires ?

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Partout, des Dixie Lee. C’est comme un PFK de l’Atlantique. Il y en a en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent, au Nouveau-Brunswick. Du poulet pané, des clams panés, des crevettes panées, des pétoncles panés. Les enfants aiment ça. Donnez-nous un fast-food et on vous fout la paix. Évidemment, ils prennent le poulet. Je les déteste.
 
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Padoue est un petit village qui fête ses cent ans du 26 au 29 juillet. Tout petit, une église, une mine de ketchup, fouillez-moi et googlez si vous ne me croyez pas et quelques maisons perdues en montagne. Les organisateurs espèrent 500 personnes. Bon succès!

On a pris une photo sur le perron de l’église et une autre avec la pancarte du centenaire. Bon, on va y aller…


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On a fait des kilomètres et des kilomètres pour se rendre aux Jardins du Saroit à Saint-Gabriel-de-Rimouski. Ma blonde voulait des légumes du terroir. Finalement, ils vendaient des fraises et de la fleur d’ail. On a pris des fraises et de la fleur d’ail… Et les fraises étaient hallucinantes. Petits jardins, certes, mais quels produits!
 
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A la buanderie du camping, ma blonde met le linge dans la sécheuse et on repart faire des courses. En fait, on va chercher le Devoir et des clopes au dépanneur des Boules. Les Boules, je vous jure, c’est vraiment le nom du village. J’aimerais bien rencontrer la fille qui a inspiré ce nom. Bref, on revient à la buanderie et j’attends dans l’auto pendant que ma blonde va chercher le linge.

-Il y a une grosse torche qui a sorti notre linge et mis le sien dans la sécheuse.

-Qu’est-ce que t’as fait ?

-J’ai sorti son linge pis j’ai remis le mien. Pis là, je reste à côté de la sécheuse.

-Qu’est-ce qui te dit que c’est une grosse torche ? Ca peut être un gros cave.

-Pis j’ai laissé son linge en boule. Ca se peux-tu faire ça ?


Ca se peut pas, en effet. On a assez de problèmes, ces temps-ci.








mercredi 25 juillet 2012

Chapitre IV: Aventures désopilantes...

Chapitre IV : Où Aragon nous rejoint.

L’anse est séparée de la mer par un long bras de rochers qui fait que, peu importe la hauteur de la marée ou sa bassesse, les vagues ne viennent pas jusqu’à nous. Les gros moutons blancs dont je vous parlais sont là au large qui frappent cette barrière, obstinés, décidés à entrer comme le loup dans la maison de brique du dernier petit cochon.

Pour rejoindre la mer, il faut marcher. A l’ouest, un phare. Mais un vrai phare dont le faisceau lumineux… putain! Qu’est-ce qu’il fait, le faisceau ? Il pivote? Il tourne? Note à moi-même, revenir sur ce bout de phrase plus tard. Deuxième note à moi-même, je suis en vacances, laisse faire ça.

Bref, d’un pas résolu et vachement séduisant, je me décidai à partir à la conquête du phare lointain. Hop! Profitant une fois de plus de la marée basse, je marchai sur la berge qui, géologiquement parlant, est assez fascinante. Aux cent mètres environ, la couleur des rochers change, passant d’un gris roche standard à ocre puis quasi-bourgogne. Quelquefois, du sable, rarement, puis de longues étendues de pierres stratifiées, mais pas une par-dessus l’autre, les strates, non, non, elles sont à la verticale ou en diagonale, oui, oui. Ma théorie : avec le temps, elles se déplacent, lentement, très lentement, elles sont poussées, soulevées, l’effet de la tectonique des plaques.

Je passai un paquet de chalets où le drapeau du Canada et celui du Québec se côtoient. Et ça, j’haïs ça. Que tu sois fédé, ok, mets ton drapeau du Canada pis c’est ça. Mais quand tu mets les deux, tu dis que tu es content que le Québec soit une province canadienne et ça, ça m’écœure. Une province… beurk!

J’arrivai enfin au phare. Station de recherche Métis-sur-Mer. Gouvernement du Canada. Une barrière bloque l’accès par la route, cadenassée. L’ensemble des fenêtres des bâtiments, quatre au total, est barricadé, des planches peintes en rouge. Fermé. Un hangar de bois surnommé Octave, d’après l’écriteau au-dessus la porte, rappelle que des gens ont vécu, pas seulement travaillé, mais vécu et donné des surnoms à leur hangar, ici. Le gouvernement fédéral a mis la clé sous la porte. Décidément, la recherche…

Je m’installai enfin sur un des rochers qui constitue le long bras protégeant l’anse et je regardai les vagues frapper bruyamment et sans arrêt. Le vent du large sentait bon, j’étais si bien que je me levai et retournai au chalet.

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Hier, au coucher du soleil, le ciel avait la couleur de la crème glacée à la gomme balloune. L’eau était rose et un des galets que j’ai lancé a fait au moins dix ricochets.

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Le phénomène des campings me dépasse. Cordés les uns contre les autres, VR, tentes-roulottes, petites tentes deux places s’entassent. Les gens sacrifient leur intimité et s’installent pour deux semaines, voire plus, dans ces drôles d’endroits. Je ne comprends pas.

Je ne juge personne et j’y vois même quelque chose de foncièrement sympathique. Peut-être que le monde est écœuré d’être tout seul, écœuré de la banlieue froide, écœuré du voisinage anonyme. Peut-être que le monde est juste quétaine. C’est cool –d’une certaine façon- être quétaine. Trop de proximité pour moi. Là, tout de suite, je suis assis sur la longue galerie d’un chalet entouré d’arbres, installé sur des pilotis, à flanc de falaise. Un petit suisse est venu me voir pendant que j’écrivais. J’entends la mer et les oiseaux.

Trop sauvage pour un terrain de camping. Depuis que je suis levé, j’ai cette phrase d’Aragon avec la voix de Ferré en tête « Est-ce ainsi que les hommes vivent? ».

Je comprends tellement rien à rien.     

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L’adolescence n’est décidément pas une période facile et surtout pas pour les parents. Un enfant de deux mois s’émerveille devant un pouce qui bouge. Un ado de seize ans regarde la mer deux minutes et dit : « Ouain, pis qu’est-ce qu’on fait astheure ? » -Et si on te clouait la langue dans le front ?, que j’ai envie de répondre.



Respire l’air marin. Regarde au loin. Rêve. Voilà ce que je me dis. Oublie cette progéniture déroutante, disons. Viens, ma belle, allons marcher sur la plage.  

mardi 24 juillet 2012

Aventures désopilantes: Chapitre III

Chapitre III : Dans lequel l’auteur lit, rêvasse, rêve et va au lit.

Lire. Tourner les pages d’un livre. Suivre les mots dans l’ordre et les visualiser dans sa tête.

Lever la tête, regarder la mer au loin, la berge tout près. Tendre l’oreille, le cri des mouettes, le vent dans les arbres, les bruits étranges de la forêt. Sentir l’odeur du sel, de l’eau, des arbres, de ma clope qui fume. Prendre une puff et retourner dans le livre.

Je lis Clara et la pénombre de José Carlos Somoza. Acheté usagé à côté du terminus d’autobus de Montréal, il y a de ça trois ans.

Page 246 : Les morts apparaissent quand nous dormons. Notre unique vie éternelle consiste à habiter les rêves des autres.

Je ferme les yeux. Une rivière qui serpente entourée de falaises abruptes. Des montagnes, une montagne au loin dont le sommet est déchiré par une fosse de sable. Une fosse longue et fine qui divise la montagne comme un gâteau qui se fend à la fin de la cuisson. Je crée des décors pour les rêves, yeux fermés, éveillé. Un endroit où pourront vivre les morts.
 

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Mes amis politiques ne lisent pas ces textes, ça ne les intéresse pas. Je reçois des commentaires privés, souvent, de mes autres amis. Mais les gens en politique ont la fâcheuse tendance à se concentrer sur la politique. Mes textes politiques sont les plus lus, les plus commentés, les plus partagés et les moins intéressants. C’est ce que je pense. J’étais très content de la Vieille fille laide, du Clochard et de Grand-Papa. C’est loin d’être mes best-sellers!

Selon moi, ce sont ces textes qui sont les plus politiques. Le sens de la vie, l’amour, la mort, vivre en société, la joie, la musique, la beauté, la solidarité et l’individualité, le rêve. Voilà pour moi des raisons d’agir. Une société qui rêve et qui rit, qui baise et qui se colle, qui pleure et qui aime. C’est pour ça que je milite.


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Mes rides autour de mes yeux se sont formées à force de rire, j’adore rire. L’euphorie est si agréable. Paradoxal tout de même qu’en les regardant, je vois des rigoles pour mes larmes.


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Métis-sur-Mer. Un village avec des maisons qui s’appellent Buttercup et Red House, superbe maison rouge, des maisons comme des manoirs qui longent la côte. Au bout du village, une épicerie qui sent, d’après ma blonde, comme chez une grand-mère. Une petite épicerie grosse comme un dépanneur avec un vivier plein de homards. Quand j’étais petit à Pâques, au Provi-Soir, ils vendaient des poussins. Cinquante cennes pour un poussin, trop cute. On l’achetait, il grossissait et il devait laid. Dehors, le poussin. Eux, ils vendent des homards. Mais pas cinquante cennes. La porte fermait mal et il y avait le bip bip électronique qui n’arrêtait de sonner. Au début, je trouvais ça drôle, je faisais une danse techno sur le bip bip pour faire rigoler ma blonde mais cinq minutes de ce bip bip et j’étais déjà en train de devenir fou.

Métis-sur-Mer, les Anglais avaient les grosses cabanes, les Jardins de Métis, Assle Park. On dira ce qu’on voudra, ils l’ont l’affaire.


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Je m’intègre facilement à cet environnement. Déjà, ma rue de Montréal devient indistincte. L’actualité m’intéresse moins. De toute façon, l’actualité vieillit mal. Ici et maintenant, je n’aime pas ça. Partout et toujours ou nulle part et jamais, je préfère.

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Les vagues frappent les rochers en de gros moutons blancs. Un oiseau passe en criant. Cette nuit, l’orage éclatera, les éclairs éclaireront la noirceur paisible de ce ciel sans lune. Je dormirai en paix.

lundi 23 juillet 2012

Aventures désopilantes, chapitre II


Chapitre II : Dans lequel notre héros échappe ses clopes dans la mer. Désopilant!



Selon le temps qu’il fait, selon la profondeur de l’eau, selon les vagues que produit le vent, selon la position de l’observateur, le bleu de la mer change. La salinité, le degré de pollution, la position du soleil, la quantité de nuages, la nature même du fond marin doivent aussi jouer un rôle. L’environnement. Moi, selon que je sois en forme ou pas, selon ce que je porte, il parait que ça modifie la couleur de mes yeux. Je me demande bien si le bleu de la mer modifie la couleur de mes yeux. Je me demande bien si moi, près de la mer, je modifie aussi son bleu.



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Ô platitude! Je veux chanter tes louanges! Gloire à vous, heures lentes, qui rallongez mes jours. L’ennui et la paresse, l’inaction, le silence, la rêverie oisive. Platitude, sensuelle platitude. Ne rien dire d’intéressant, ne rien faire d’intéressant, ne pas être intéressant et se détourner de soi. Tous les bâillements moroses, je vous accueille à bras ouverts. Venez à moi, discussions ineptes, événements vains, non-événements, j’aspire à toi, platitude, toi, ma compagne, ma muse, mon but.



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Quand la marée est basse, on peut se rendre sur l’île aux crabes, un petit ilot avec cinq conifères dessus et recouvert de carcasses de petits crabes. A voir aller les mouettes, je suspecte qu’elles les pêchent, s’envolent et les laissent tomber sur les rochers de l’ilot où les crabes, malheureux, se fracassent. Ensuite, l’ignoble mouette se régale. Selon la perspective du crabe, c’est atroce, selon celle de la mouette, c’est délicieux. Mais de quoi devrions-nous le plus nous préoccuper ? Du malheur des morts ou du plaisir des vivants ? Moi, je dis fuck les crabes et bon appétit.



Reste que si les crabes pouvaient crier en tombant, ça serait un peu lugubre. Leur silence doit jouer dans ma prise de position pro-mouette.



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Quand la marée est basse aussi et qu’on se promène sur la berge, on voit des Pttt! Pttt! C’est comme des petits geysers. Soit des moules, des coques, des poissons de vase ou encore des crabes, que sais-je ? Tu marches et partout des Pttt! Pttt! Ca, moi, ça m’émeut. Étrangement, je suis toujours ému par ce que je ne saisis pas. Ca doit être pour ça que j’aime la poésie. Pttt! Pttt!



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On est allé s’étendre sur la grève. Ma blonde avait déniché un super spot. Une grosse pierre en angle sur laquelle on pouvait s’appuyer la tête et le cul sur le sable. La marée montait mais on était à dix bons pieds du bord de l’eau. En marchant pour s’y rendre, j’ai mis mes pieds dans l’eau, elle était chaude. Sans doute, parce qu’on est dans une anse et que le soleil pouvait la réchauffer à marée basse. A marée haute, tu regagnes de l’eau de mer et ça refroidit. Deux pas que j’ai faits dans l’eau, deux petits pas, et mes clopes sont tombées sans faire plouf! ni rien. Où sont mes clopes ? Dans l’eau, câlisse.



La marée s’est mise à monter à une vitesse surprenante. Après à peine cinq minutes, on avait le cul dans l’eau et on a du changer de place. Dis donc, ça déconne pas, la marée. On s’est éloigné un peu. Trente pieds de l’eau facile, pour pouvoir lire tranquilles. Il y avait un chien noir fou qui courait après des roches qu’on lançait dans l’eau. Je pensais qu’il était à une petite fille qui jouait avec lui et puis, comme je me suis mis à lancer des roches à mon tour pour les faire ricocher, le chien a quitté la petite fille et est venu nous rejoindre, on était à au moins deux cent pieds.



Si un chien veut que je lance une roche dans la mer pour qu’il la rapporte, j’obéis. C’est plus fort que moi. Une bonne vingtaine de roches que j’ai lancées et il rentrait sa tête dans l’eau en courbant le dos, il ressemblait à un monstre marin, ce chien noir, pour dénicher la roche qu’il rapportait au bord de l’eau. J’ai cherché un morceau de bois, je lui ai lancé, il est parti après et quand il a vu que ça ne coulait pas, il a laissé faire le morceau de bois. « Lance des roches! », ordonnait le chien. Bon. Bon.



On est reparti et on a croisé des gens autour d’un feu qui se parlaient entre eux.



-C’est quand même une plage privée ici.



Ca devait, subtilement, s’adresser à nous. On croyait que l’anse appartenait au domaine mais il semble qu’un bout de plage précis soit à d’autres. On était seuls, on ne dérangeait personne. On était isolés mais il y a fallu qu’on tombe sur des humains. Foutus humains! Avoir su, c’est vers eux que j’aurais lancé mes roches.



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Un feu sur la plage, le soleil vient à peine de se coucher, le vent se lève, le vent du large, ça sent bon, la mer. Et il nous envoie sa puissance en pleine gueule, comme ça, pour rien. Ok, ok, c’est toi, le plus fort. On est entré se coucher.      

dimanche 22 juillet 2012

Les désopilantes aventures du Vilain Rouquin dans la Mitis.

Chapitre I: L'arrivée.


1959. Nous sommes partis de Kamouraska pour monter vers Pohénégamook, puis Rivière-Bleue où il n’y a pas de station d’essence et où nous avons trouvé une espèce de resto infect pour diner. A deux pas du Maine, le Témiscouata. Qui va dans le Témiscouata ? Cabano, Dégelis, Lots-Renversés, Auclair. Un village de montagne, quelques centaines d’habitants. C’est là dans ce trou perdu que mon beau-père a grandi. Sur le rang Saint-Grégoire à Saint-Émile-Auclair, devenu simplement Auclair avec le temps. La famille a quitté pour Montréal. Seule est restée Yolande, 20 ans. 1939-1959. Elle venait de se fiancer. Le cimetière est au milieu d’une côte, une crisse de grosse côte. Une côte que tu montes à côté de ton bicycle. 20 ans. Tu meurs pas à vingt ans. Tu baises, tu te saoules, tu ris. En 59, tu vas danser mais tu meurs pas. Surtout pas dans un trou perdu où personne ne vient jamais te voir. Auclair, c’est le bout du monde.



Mourir à vingt ans au bout du monde, quand même, c’est beau. Moi, je vais mourir tout près et si personne ne vient me voir, c’est qu’ils n’en auront simplement pas envie.



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On a continué. Squatec, Lac-des-Aigles, Esprit-Saint où chaque porte porte un écriteau avec Esprit-Saint ou Saint-Esprit gravé dessus, La Trinité qui fête son soixante-quinzième. J’inverse peut-être des villages. Les lacs sont longs et immenses dans le Témiscouata. Le Lac Pohénégamook, le Lac Témiscouata, le Grand Lac Squatec. Les montagnes sont longues et immenses dans le Témiscouata, ça fait plus penser à l’Estrie qu’au Bas-du-Fleuve. La mer est réapparue vers quatre heures, à Luceville.



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Le chalet vert surplombe l’anse. La vue d’ici est imprenable, ça sent le sel marin. Je préfère le Québec aux Québécois. J’aime pas les Québécois tant que ça, finalement. J’adore le Québec, j’adore ce territoire. Il y a une profonde injustice dans le fait qu’ici, ça soit chez nous. Vous pensez que vous méritez le Québec, vous ? Qu’est-ce que vous avez fait de si extraordinaire pour avoir tout ça ? Du vert, du bleu, de l’eau douce à profusion, la mer, la montagne, des terres grasses et riches, quatre saisons, des forêts à perte de vue, des paysages à couper le souffle. Aucune reconnaissance. Le Québec est trop beau pour nous. Bande d’ingrats.



Ca lit le Journal de Montréal, ça magasine chez Walmart, ça chiale contre les étudiants, ça voterait Charest que je serais pas surpris, ça vote pour le changement mais ça sait pas ce que ça veut.



On est comme Adam et Eve, on vit au Paradis pis on trouve le moyen d’être cons.

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Je me prends souvent à sentir de la nostalgie dans ma façon d’écrire. Dès qu’un instant est passé, je m’attendris dessus. Je relis ma première phrase : 1959, là en haut et je suis submergé d’images. Un nostalgique instantané, voilà ce que je suis.



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-Vas-tu publier à tous les jours ou tu vas faire un long texte ?, que me demande ma blonde.



-Je sais pas, je réponds, les pieds dans l’eau salée.



-Madame Demers pourrait te lire à tous les jours et avoir hâte au lendemain.



Je réfléchis une seconde. Plus que ça, ça me fout des migraines.



-Bon, d’abord, je vais retourner au chalet terminer ma journée d’hier.



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Le ciel avait des nuages qui font des formes comme un poisson ou une guitare électrique. On avait vu un escargot aussi avec ses deux antennes. Il y avait de la musique dans l’auto et je me disais que choisir de la musique pour cet univers-là, c’est pas que la petite affaire. Un musicien devrait, après avoir composé sa chanson, l’écouter sur la route, par un jour d’été ensoleillé partiellement nuageux, dans les montagnes près de la mer. Si elle passe le test d’être une bonne trame sonore, tu l’enregistres.



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Quand je suis assis dans le siège du passager, je me regarde souvent dans le miroir latéral, celui dans lequel je suis plus près que je n’en ai l’air. Je peux passer plus de temps à me regarder dans ce miroir que dans n’importe quel autre. Il y a des journées à la maison où je ne me regarde pas. Je ne m’en porte pas plus mal, je suis beau en-dedans.



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Dans le coin de la chambre, une chaise recouverte par un drap blanc. Les portes grincent et s’entrouvrent au moindre courant d’air. Le plancher craque. La nuit, la route 132 toute proche laisse passer une voiture aux heures et il n’y a pas de lampadaire, on marche dans le noir. Le chalet est en retrait, les autres longent la berge, le nôtre, sur deux étages, surplombe l’anse. Je vous l’avais déjà dit, ça, non ? Bref, il y a du matériel pour une histoire de peur. Le truc, c’est de ne pas soulever le drap blanc mais j’avoue que, malgré moi, ça me démange.

mercredi 18 juillet 2012

Plus rien à dire

Évaché sur un hamac à lire un polar, tranquille, le soleil passe à travers les branches de vieux arbres mais ne m’atteint pas. Les enfants jouent dans l’eau du lac, jouent… hurlent, oui!, vos gueules, bande d’enfants de merde! Ma blonde prend du soleil avec une copine, grand bien leur fasse, moi, je suis un homme de l’ombre. Hombre del ombre. Je ne sais même pas si ça se dit de même mais c’est flash.

Ca ressemble au bonheur, ça ne dure pas et ça se savoure à la fois sur le coup et après coup. C’est tout ce que j’avais à dire.

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Vous avez tout dit, sur tout. Vous avez une opinion sur tout. Mes réflexions deviennent superflues, je n’en ai même plus besoin. Vous avez lu l’opinion pertinente d’un chroniqueur politique que vous vous empressez à partager et commenter. Vous avez saisi le bon coup d’un des nôtres, le mauvais coup d’un des leurs. Et vlan! Vous y ajoutez un commentaire ravageur et je vous dis et je me dis que Putain! Je n’aurais pu mieux faire. La vache! Que me reste-t-il ?

Moi, j’ai un hibiscus en feu qui fleurit dix fois par jour, ça vous les coupe ?

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Ne croyez pas que je critique vos commentaires astucieux et allumés, non, non, non. La vérité, c’est que je me croyais original, je croyais que ma structure de pensée était mienne. J’apportais ma pierre à l’édification de la pensée québécoise. Mais voilà, ma pierre a déjà été posée cent fois par cent autres et fous nous la paix avec ta pierre, on en n’a pas besoin. Ah, c’est comme ça ? Dans ces conditions, de quoi est-ce que je peux bien parler si j’ai envie de parler ? Et sur quoi puis-je bien écrire si j’ai envie d’écrire ?

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J’ai peur de devenir misanthrope. J’ai peur du cynisme qui me guette et qui attend que mes idéaux s’affaiblissent. J’ai peur de la peur confortable qui paralyse et par-dessus tout, j’ai peur de moi. Peur de mes Pfff! Peur de mes Peuh! Peur de mes Bah! Je les sens tout près qui veulent me posséder.

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Je n’ai jamais porté le carré rouge. Rien contre le carré rouge mais c’est trop limitatif pour moi. Quoi, afficher à la face du monde que ma cause à moi, c’est être contre la hausse des frais de scolarité ? Non, j’ai trop de causes pour me limiter à ça. Je devrais porter le carré roux : ça inclurait toutes mes causes. Et puis, pourquoi un carré ? M’en fous des carrés, sinon que le périmètre est facile à trouver une fois que tu as la longueur d’un côté. Mes cheveux, tiens. Je porte mes cheveux pour arborer mes causes.

Ca n’a aucun sens mais je m’en fous.

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Dans ta main repose la mienne
Et nous vaincrons ces enfants de chienne.

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Dans ta main repose la mienne et nous vaincrons ces enfants de chienne. J’avais écrit cette phrase au Petit séminaire… Ca n’a jamais fait partie d’un texte, c’était indépendant. Peut-être que je voulais écrire quelque chose de plus long mais que je ne savais simplement pas qui étaient les enfants de chienne en question, je ne le sais d’ailleurs toujours pas. Reste que « les enfants de chienne », ou juste « enfant de chienne », ça frappe. Ca frappe plus que « son of a bitch ». Des fois, les Anglais ont des expressions qui rentrent dans le corps mais quand le français décide d’être une langue dure, paf! Ça en jette.

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Voilà à quoi vous me contraignez avec vos commentaires et vos statuts et vos partages. Vous avez tout dit. Refonte de la carte électorale ? Qu’en penses-tu, Éric ? J’en pense ce que les 214 autres ont écrit et commenté. Aussi bien se taire ou parler d’autre chose. Mais pendant qu’on se parle de même entre amis, pourquoi ces photos de soleil couchant avec une citation de marde, genre sagesse éternelle ? Le bonheur est un ami discret ou Ceux qui t’aiment vraiment te diront que tu as tort ou Les chevaux galopent aussi dans l’ombre de l’arbre séculaire. Bon, j’ai inventé ces trois conneries mais vous voyez l’idée.

La sagesse, de toute façon, est un concept vachement surestimé. Et vous pouvez reprendre ma phrase, la crisser devant un ciel étoilé et la partager pour commentaires profonds.

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Je me demande bien comment on entre dans la brigade anti-émeute. Ils font des campagnes de recrutement internes ou bien il faut en faire la demande ?

Il y a le cours Spécialisation anti-émeute 201 à Nicolet ? Ou on apprend sur le tas ?

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J’ai tellement envie de vivre. J’ai tellement peur de la mort. Je croyais pas que cette pouffe serait de plus en plus présente en vieillissant mais elle vient s’immiscer dans mes pensées à tous les jours, toutes les nuits. C’est fou que la mort soit devenue un enjeu politique, tout de même, avec les trucs de mourir dans la dignité ou de suicide assisté. Pas le droit de tuer personne, pas le droit de mourir comme on veut. Je pense même qu’il y a des règlements sur l’utilisation des cendres.

Je pense que je vas foutre le camp dans le bois, comme Thoreau. Adieu civilisation de marde, je m’isole. Avec ma famille, mes chats, mes livres et mon X-box.

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C’était une pluie chaude et j’étais complètement détrempé. On est-tu ben quand on veut ?