dimanche 18 décembre 2011

Le clochard

J’avais froid.  J’avais faim. Je ne voulais rien d’autre qu’un peu de chaleur et m’asseoir tranquille. Vous m’avez si souvent fait comprendre que ma présence vous importune. Je sais, je sais. Je suis laid et je pue. Mon linge est sale, mes mains sont sales, toute ma vie est sale. Mais j’avais seulement froid, vous comprenez ? Mes os me faisaient mal, je ne sentais plus mes doigts. C’est pour ça que je suis entré dans votre métro. Je voulais pas quêter. J’avais trois piasses dans mes poches, j’avais ben le droit. J’avais même plus que trois piasses, j’en avais presque douze pis deux cigarettes. Je voulais m’asseoir au chaud.

Je disais rien. Je m’étais trouvé un banc vide, je dérangeais pas, pis y avait un journal qui trainait, ça fait que je lisais des affaires qui m’intéressaient pas. Les gens qui me regardaient ne me regardaient pas longtemps. Et ça faisait ben mon affaire, oubliez moi si je vous dérange, je m’en sacre.

Ca fait un méchant boutte que j’ai compris que ma place est dans votre ombre, que j’endommage votre clarté solaire et que vous préfériez que je n’y sois pas. Ca fait que je quête seulement le temps qu’il faut pour retourner me cacher. De toute façon, mieux vaut ne pas parler, c’est pas payant. Je baisse la tête, je mets ma tasse devant moi pis j’attends sans rien dire. Quand j’entends l’argent sonner dans ma tasse, je lève même pas les yeux.

Le soir, j’ai des places où dormir, je bois pas, je prends pas de drogue, j’écœure pas, j’attends juste en silence que ça soit fini. A pension, je prendrai une chambre au mois pis c’est toutte. La vie, c’est pas fait pour moi mais je sais pas si la mort, c’est mieux ou pire, ça fait que je prends pas de risque.

J’avais froid. J’avais faim. Au dépanneur du métro, je me prendrais une tablette de chocolat, ça me ferait tenir jusqu’au souper.

La porte du métro s’est ouverte. Ils étaient trois gars, je les ai même pas regardés. Je peux pas vous les décrire, je les ai pas vus mais c’est pas important.

-Eille, le guenillou, qu’est-ce que tu fais icitte ?

J’ai rien répondu.

-Es-tu sourd, le quêteux ?

J’ai pas levé la tête. J’ai pas bougé. Être invisible, se taire, attendre qu’ils partent. Mais ça n’a servi à rien. Un des types m’a touché d’un doigt sur l’épaule.

-Regarde-nous, vieux crisse, on te parle. Qu’est-ce tu fais icitte ?

Il fallait bien que je réponde sinon ils continueraient alors j’ai marmonné.

-J’attends le métro. J’m’en va, là.

-Mange d’la marde, mon ostie de crotté. I vient de passer, le métro, on était d’dans. Tu viens pour écœurer le monde, toé?

J’ai baissé la tête. « Allez vous en, s’il-vous-plaît. Je veux pas de problème. », que j’ai dit intérieurement. J’ai pas prononcé une phrase.

-Moé, les menteurs, je suis pas capable. Les menteurs pis les osties de parasites. Pis toé, t’es les deux.

Je le sais pas qui a dit ça. J’ai refermé mes bras sur mon torse et j’ai rentré mon cou dans mes épaules. Je n’ai pas eu à attendre bien longtemps. Les coups se sont mis à pleuvoir.

Ils m’ont tabassé, comme ça, pour s’amuser. J’ai senti les poings sur ma mâchoire, les coups de pied sur mes côtes, je les ai entendues craquer. J’ai gémi, j’ai pas crié, seulement gémi pas fort.

Le métro est arrivé à ce moment-là. Une dizaine de personnes en sont sorties. J’étais au sol, j’ai regardé dans leur direction, ils ont détourné le regard pendant que les trois brutes continuaient à me frapper.

-Aidez-moi! que j’ai crié.

-Ton métro est arrivé, le guenillou. Tu le prends pas ?

-Oui, oui, je le prends, je le prends.

Ils ne m’ont pas laissé me relever, ils m’ont tabassé encore un peu et ils sont partis en riant. Personne n’est venu.

Je suis resté un peu là, seul, à cracher du sang. J’ai relevé la tête avec défi et j’ai vu tous ces gens qui m’observaient hypocritement et qui regardaient ailleurs dès que nos yeux se croisaient.

-Vous êtes tous complices! Vous êtes comme eux autres! que j’ai hurlé. Vous me faites honte, gang de sans-cœur!

Un type de la sécurité est arrivé et m’a demandé de sortir parce que je dérangeais la paix publique. Je lui ai répondu que mes côtes me faisaient trop souffrir et que je ne pouvais pas marcher. Il m’a regardé froidement, j’avais du sang partout, je sentais l’enflure sur mon visage. Il a appelé un collègue sur sa radio et les deux m’ont sorti sans ménagement.

-Pis reviens plus icitte.

Je me suis assis dehors. J’ai mis ma tasse qui, par bonheur, n’était pas cassée, devant moi et j’ai baissé la tête. J’ai entendu le bruit des pièces et je vous ai tous haïs.  

vendredi 16 décembre 2011

Avis public

16 décembre. Six heures et demie du mat. La lune est tout là-haut, pas partie pour se coucher. Il vente et ça fait bouger une plante qu’on n’a pas rentrée. J’ai ma clope, mon café, mon gros chat.

Mais qu’est-ce que je fous sur le balcon à cette heure avec mon ordi ? C’est que c’est froid pour les mains ce vent! D’la marde. Je rentre.

Eh! Avant de rentrer, les zoufs… Deux petits mots : me revoilà.

(Ici, Eric prend son ordi, son chat qui braille pour rentrer, sa tasse de café froid après trente secondes et va s’installer à la cuisine.)

J’ai eu quelques commentaires de lecteurs assidus, trois ou quatre, à vrai dire  -ok, trois- , me demandant ce que je foutais et quand j’allais me remettre à écrire. Merci pour les pensées, pour l’intérêt. Les autres, je vous emmerde. Quand on accepte d’écrire pour les autres, dans un contexte politique, voyez, on doit s’imposer un devoir de réserve. Question de ne mettre personne dans l’embarras. Voyez, je boudais même pas. J’aurais pu. J’ai de bonnes raisons de bouder, moi. En fait, je boude un peu mais tout le monde s’en fout, si vous voulez tout savoir. Je marche dans la rue et quand je croise quelqu’un que je ne connais pas, vlan! Je ne le salue pas. Je lève même pas la tête. Il pourrait bien se dire : Coudonc, qu’est-ce que t’as à matin, Couture ? mais non, il se dit rien, le quidam inconnu parce qu’il ne connaît pas mon nom et qu’il a d’autres préoccupations dans vie, faut croire, que de s’intéresser à mon boudin. Ce qui n’empêche que je boude un peu quand même, incognito.

De toute façon, je vous écris pour vous dire que je m’y remets. Ceci n’est pas un texte en soi. C’est un avis. Le Roux est de retour et pas content.



Vous êtes mieux de vous surveiller, vous êtes mieux de ne pas pleurer…

(Traduction libre des deux premiers vers de Santa Claus is coming to town.)



A plus.